La phrase du Huis clos de Jean-Paul Sartre est archi-connue : « l’enfer, c’est les autres. » La psychothérapie et de nombreux courants spirituels vont pourtant à l’encontre de cette maxime. L’enfer peut être au fond de nous-même, comme une prison que nous créons en nous et dans laquelle nous enfer-mons, notamment, ces autres. Mais alors, peut-on considérer que l’enfer c’est les autres qui sont en nous ? C’est-à-dire, l’image que nous en projetons, donc nos fantasmes ?
Et si, au contraire, les autres étaient une promesse de bonheur et le retour à soi une manière de les rejoindre ? Si nous apprenions à voir que notre erreur consiste à enfermer les autres en nous, et à nous encombrer de productions irréelles ?
Le fantasme partage son étymologie avec le fantôme. Nos fantasmes ne sont rien d’autre que les fantômes que nous portons en nous. Ceux de notre père, de notre mère, de l’environnement dans lequel nous avons grandi, des moments de réalité que nous cherchons à fuir. Nous vivons souvent encombrés de croyances limitantes, de scénarios répétitifs, de peurs bloquantes qu’il est nécessaire d’éclairer pour pouvoir s’en débarrasser. C’est pourquoi je préfère parler de dépouillement personnel plutôt que de développement personnel.
L’idée est justement d’identifier ses couches devenues encombrantes et de les retirer, l’une après l’autre, pour revenir à l’essence et se reconnecter à ses sens. L’intérêt de ce cheminement intérieur est de saisir que nous pouvons vivre épanouis non pas sans les autres, mais sans la projection fantasmée que nous portons des autres en nous. Il n’y a donc pas de solution miracle, mais un « travail » d’ouverture du regard, à mener sur soi.
Nous vivons des temps instables et une époque où il est constamment question de « se challenger », d’être mis en concurrence.
Renforcer la confiance en soi
Renforcer la confiance en soi, cela sonne un peu comme une tarte à la crème. C’est un sujet très à la mode, trop peut-être, direz-vous ? Et pourtant, les sujets à la mode, les sujets de société, révèlent nécessairement quelque chose de profond. Nous vivons des temps instables et une époque où il est constamment question de « se challenger », d’être mis en concurrence. Cela n’est pas pour nous rassurer et nous rendre confiants.
Alors, on nous propose des modèles de réussite, qui ne sont pas toujours à notre hauteur, et qui peuvent nous écraser. Etre en confiance, c’est au sens littéral agir avec foi. Avoir foi en ses capacités et en ce que nous valons, chacun, au plus profond de nous. Avoir confiance en soi, c’est ne pas se laisser écraser par l’image intériorisée de modèles qui sont hors de notre portée. Renforcer la confiance en soi, c’est décider de ne pas remplacer l’image de soi par une image extérieure. C’est, enfin, reconnaître l’étincelle divine qu’il y a en chacun de nous.
Laisser s’exprimer ses talents
Un excellent moyen d’être confiant est de laisser s’exprimer ses talents et d’y prendre du plaisir. Tous, nous en sommes pourvus. Il faut seulement être capable de (se) les dé-voiler, parvenir à les faire surgir et les accepter pour ce qu’ils sont. Je ne suis pas Steve Jobs ou Bill Gates, mais je ne vaux pas moins. Je peux m’appuyer sur le meilleur de ce que j’ai pour aider une équipe à réussir dans un projet. J’ai nécessairement un talent ou un atout que je peux jouer, et qui complètera ceux des autres.
C’est ainsi qu’une équipe est possible. Et lorsque mon talent aura été reconnu, je serai plus en paix avec moi-même et je pourrai me tourner vers les autres. J’aurai évacué certains de ces fantômes qui vivaient en moi, et m’empêchaient d’avancer. Mais les autres peuvent-ils reconnaître mes talents si j’ai, moi-même, du mal à le faire ?
Aller à la rencontre des autres
C’est dans cette perspective qu’il devient possible d’aller à la rencontre des autres. Non plus dans une logique de méfiance voire de défiance mais comme une personne consciente de ses forces et de ses fragilités, désireuse de donner aux autres autant que d’accueillir ce qu’ils lui donneront.
L’autre peut donc être une chance et un tremplin
L’enfer n’est pas les autres ; les autres sont une porte d’entrée vers nous-mêmes. Nous sommes tous liés les uns aux autres mais chacun est un être propre et libre, in-divis. L’autre peut donc être une chance et un tremplin, si je cesse de vouloir l’absorber comme un fantôme qui m’empêche d’être pleinement moi-même.
Les autres, nous commençons par nous y identifier ; c’est ce que fait le nourrisson. Puis, nous nous en séparons et les admirons ou les haïssons ; c’est l’enfance. Enfin, nous comprenons qu’ils ne peuvent pas affecter notre vie plus que nous ne l’acceptons. Et qu’ils ne laissent de traces en nous que celles que nous voulons bien leur permettre.
Quand nous avons confiance en ce que nous sommes, ils n’ont plus d’emprise négative sur nous. Nous quittons l’enfer dont parlait Sartre et ce huis clos que nous jouions en nous, avec les fantômes des autres. Ainsi, nous entrons dans l’en-vie, dans la vie. Et nous nous accomplissons pleinement tout en laissant aux autres la place de s’accomplir.