Après une première semaine de confinement, qui a chamboulé nos vies, c’est un sentiment de gratitude qui s’empare de moi. Et si nous nous attachions à voir le verre à moitié plein ? Et si le Covid-19, qui se répand à travers la planète, nous faisait prendre conscience de la chance que nous avons eue jusque-là ? Des bienfaits dont nous a pourvus Mère Terre ?
De l’opportunité que nous offre ce confinement de découvrir vraiment ceux avec qui nous partageons notre quotidien, de nous rapprocher les uns des autres alors même que nous devons, paradoxalement, tenir nos distances. Et si nous mettions un genou à terre, en signe d’humilité, et choisissions, en conscience, de remercier ?
Ni optimiste ni pessimiste, conscient
Bien entendu, il n’est pas question de faire comme si tout allait bien, nous avons un sérieux problème. Et cette pandémie met au jour les limites de la mondialisation et les abus de notre système économique et industriel. Elle révèle nos excès et notre manque de clairvoyance, alors même que bien des femmes et des hommes sages nous avaient mis en garde depuis longtemps. Nous puisons trop fort dans les ressources naturelles, asphyxions notre planète et détruisons d’innombrables espèces, animales et végétales, et cela finit par se retourner contre nous. Bien sûr, tout cela est vrai, de même que l’économie mondiale est à repenser.
Mais si l’on regarde l’envers de cette crise, nous constatons que les taux de pollution n’ont jamais été si bas, depuis que notre activité est réduite. Nous découvrons que nous vivons malgré tout, sans manquer d’aucun produit de nécessité et, même confinés, la plupart d’entre nous nous portons bien. C’est un avertissement, mais le scénario est moins terrible que l’avaient envisagé tous les récits de science-fiction depuis un demi-siècle.
Si l’on regarde encore un peu plus loin, on peut se dire que malgré tous les excès de notre mode de vie moderne, ce genre de catastrophe sanitaire et environnementale n’arrive pas très souvent. On peut admettre que la terre nous pourvoit de maints bienfaits dont nous n’avons peut-être pas assez pris conscience de la valeur. Et que ce qui en fait la valeur est, justement, sa fragilité et son impermanence. Alors, n’est-il pas temps de prendre conscience de la vraie valeur des choses ?
Ce virus ne vient-il pas nous rappeler à cela ? Il est devenu source de toutes nos peurs : du manque, de la maladie, de la souffrance, de la solitude, de la mort… Mais, comme le rappelait Carl Jung, « les crises, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie ».
Ressentir la gratitude
Ainsi, chaque épreuve nous offre l’opportunité d’avancer vers un état de plus grande conscience. C’est pourquoi je ressens une infinie gratitude lorsque je prends le temps de reconsidérer notre situation actuelle.
La crise qui nous touche est une invitation à la responsabilité individuelle, à une plus grande conscience et à la solidarité. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons nous en sortir, et rebâtir une société plus durable. Avant même que le confinement soit imposé, un vent de panique a saisi certains, qui ont vidé les supermarchés.
Était-ce agir en conscience, faire preuve de responsabilité et d’un esprit de solidarité ? Je n’ai aucune intention de juger, seulement d’inviter à éclairer ses propres peurs et les comportements auxquels elles conduisent trop souvent. Un dicton populaire ne rappelle-t-il pas que la peur est mauvaise conseillère ?
Les esprits se sont calmés et les angoisses sont en train de s’apaiser. Partout, nous voyons même fleurir des initiatives et des élans de solidarité. Pour cela aussi, je voudrais dire merci.
Dans cette épreuve qui nous arrive sans que nous puissions rien y faire, sinon la traverser avec dignité et en sortir grandis, nous avons également l’occasion de réinventer les liens familiaux. De nombreuses familles se trouvent confinées dans un même espace, rassemblant parfois plusieurs générations, qui doivent réapprendre à composer ensemble, pour que la symphonie soit harmonieuse.
Ailleurs, ce sont des amis qui sont partis vivre leur confinement ensemble, et qui auront le loisir de se connaître avec plus de profondeur. Ce sont des élans de générosité de ceux qui avaient la place dans une maison de famille, et qui en font profiter les autres. Pour cela, encore, il me semble important de dire merci.
Cette crise est enfin une occasion de revenir à un ancrage local et responsable. Nous voyons combien notre pays souffre de savoir-faire que nous avons laissés partir ailleurs. Nous déplorons d’avoir délaissé au-delà du raisonnable certaines activités, alors qu’il est plus simple et plus écologique de les produire ici, au plus près du lieu où elles sont utilisées, consommées.
J’espère que nous saurons tirer les leçons de nos erreurs, et qu’après cette période de crise, nous serons prêts à davantage de production locale, quitte à en payer le prix un peu plus élevé. Car nous voyons bien que nous ne pouvons pas tirer profit de tout et gagner sur tous les tableaux. C’est sans doute le prix d’une certaine impéritie et d’un certain égoïsme, que nous payons aujourd’hui.
Aussi ai-je un sentiment de gratitude à l’égard de cet événement qui nous force à regarder chacun en nous, et à balayer devant notre propre porte.
Se laisser emplir de compassion
Loin de moi, encore une fois, la tentation de donner des leçons. Je voulais simplement partager avec vous quelques réflexions qui me sont venues, au cours de cette première partie de période de bouleversements.
Je ne voudrais pas, non plus, oublier qu’un grand nombre de nos sœurs et de nos frères souffrent, personnellement ou indirectement touchés, dans cette pandémie incomparable depuis de nombreuses décennies. Ce sont nos proches, que nous les connaissions personnellement ou non, enfants de notre Terre, et qui partagent notre génotype.
Éprouver à leur égard de la compassion est non seulement soutenant pour eux, mais c’est en plus, bénéfique pour soi, des études ayant montré qu’elle augmentait le taux d’endorphines, les hormones du bonheur. Etre plus heureux en se reliant aux autres, n’y a-t-il pas là un enseignement inspirant pour revoir notre manière de vivre ensemble ?
Les temps qui viennent ne seront pas faciles pour beaucoup, matériellement. Je pense notamment aux familles les plus démunies, aux TPE en situation précaire, et aux populations de pays moins bien dotés que nous en matière de santé publique.
On ne peut que s’unir à la souffrance de l’autre. Mais il y a aussi place à l’espoir et à la gratitude, nous le constatons chaque soir lorsque les anonymes applaudissent au dévouement du personnel soignant.
Alors, n’attendons pas que nos enfants nous demandent, un jour, ce que nous avons fait pour tirer les enseignements de nos égarements. Méfions-nous de notre mémoire courte et choisissons, individuellement, de sortir de cette crise grandis, plus conscients et plus sages.