« Celui qui meurt pour la France ne meurt pas en vain », proclamait Emmanuel Macron lundi 11 novembre 2019, lors de la cérémonie de commémoration de l’armistice de 1918. Ce jour-là, le président de la République inaugurait le monument aux militaires morts en opération extérieure (Opex). Car, il ne faut pas oublier que si la France n’a pas connu de guerre sur son territoire depuis 1962, des hommes continuent de mourir pour elle, pour la paix et la liberté, sur différents théâtres d’opération.
Nous savons que celle qui devait être « la der’ des der’ » ne l’a pas été. Depuis 1918, la France a connu trois guerres sur son territoire, en 39-45, puis en Indochine jusqu’en 1954 et en Algérie jusqu’aux accords d’Evian de 1962. Depuis, l’armée française a été impliquée dans de nombreuses guerres ou opérations, des Balkans à l’Afrique, en passant par l’Afghanistan.
549 soldats français sont ainsi morts sur 17 théâtres d’opération depuis 1963. C’est aussi à eux que le chef d’État a rendu hommage ce 11 novembre. Ces hommes ont versé leur sang au nom des valeurs de la République française et pour éviter que ne coule en abondance le sang d’innocents. C’est le sens des Opex dans lesquelles sont encore impliqués de nombreux soldats français. Ne les oublions pas !
Le nouveau monument représente six soldats anonymes portant un cercueil invisible
Un nouveau monument aux morts
Il aura fallu huit ans pour que le monument aux soldats morts en opération extérieure soit inauguré par le président de la République. L’idée avait germé sous la mandature de Nicolas Sarkozy, mais n’avait pas été concrétisée, faute de trouver un lieu où installer le monument. C’est donc au cœur du Parc André Citroën que le monument a été installé et inauguré, puisque les riverains des Invalides ont refusé qu’il soit placé sur l’esplanade, estimant que cela gâcherait la perspective !
Interrogé par France Info, mon ami et expert en stratégie militaire, spécialiste des questions de défense, Pierre Servent, disait ne pas comprendre ce refus d’une partie de l’opinion française. Cela témoigne de la méconnaissance de certains de nos compatriotes des missions que mène l’armée française et qui, même éloignées, ont vocation à protéger notre mode de vie et notre quiétude.
Le nouveau monument représente six soldats anonymes portant un cercueil invisible qui symbolise l’ensemble de la communauté militaire. Car tous les corps n’ont malheureusement pas pu être rapatriés ; d’autres, aussi, sont morts au service de la France sous le sceau du secret, agents de l’ombre servant leur pays avec abnégation et dans le secret de la clandestinité.
Des soldats français meurent encore régulièrement pour permettre à la démocratie et à la liberté d’exister
Qui sont ces soldats qui meurent pour la France ?
Il y a les soldats morts en Opex, comme au Tchad, au Liban, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan ou au Mali. Ces opérations ont toujours un but précis, même lorsqu’il n’est pas expliqué en détail à nos concitoyens. Certaines opérations sont destinées à être menées rapidement, d’autres à durer comme au Sahel avec l’opération Barkhane qui a déjà mobilisé 4500 hommes depuis août 2014 contre les djihadistes d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
La France s’engage sur ces théâtres d’opération pour défendre l’intégrité territoriale d’États menaçant de s’effondrer, ce qui fut le cas des opérations Epervier au Tchad ou Serval au Mali. Leur but est alors de sécuriser et de stabiliser une région. Nos troupes sont également engagées, loin de nos frontières, pour combattre ceux qui tentent de porter atteinte à notre nation en préparant des attentats ou des actions violentes sur notre sol.
Mais la France mène aussi des missions plus secrètes et plus officieuses. J’en ai fait moi-même l’expérience à de nombreuses reprises, comme lorsque je me suis retrouvé à l’automne 2001 en Afghanistan à la tête d’une poignée d’hommes du Commandement des Opérations Spéciales pour conduire des missions au côté des forces spéciales américaines et des factions afghanes de l’Alliance du Nord.
Des missions secrètes
Il me paraît important d’évoquer les agents de la DGSE, dont les noms ne seront jamais dévoilés, agissant dans la clandestinité, le plus souvent seuls ou en binôme. Plusieurs d’entre eux ont péri pour la France dans le plus grand secret, au cours des dernières décennies.
Pour des raisons de sécurité nationale et pour que la mission puisse réussir, l’opinion ne peut être informée de toutes les opérations que mènent nos soldats. C’est ainsi que dans la nuit du 9 au 10 mai 2019 les deux membres du commando Hubert Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello ont perdu la vie pour permettre la libération de quatre otages au Burkina Faso.
Pour reprendre les mots de l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine, « j’admire leur courage, je partage la peine de leurs familles et de leurs proches ». Je n’en fais pas des héros mais des hommes qui avaient choisi le sens de leur vie, une vie au service de leur pays, qu’ils acceptaient avec courage de risquer pour être en cohérence avec leurs idées.
Nous sommes sortis des guerres nationalistes mais des soldats français meurent encore régulièrement pour permettre à la démocratie d’exister et pour préserver la liberté. Leur engagement façonne l’histoire, il mérite le respect, ne les oublions pas.